5 raisons de ne pas internaliser un programme de Win-Loss Analysis

02
 
Dec
 
2025
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« On va le faire nous-mêmes. »

C’est souvent un des réflexes quand une entreprise décide de lancer un programme de Win-Loss Analysis. Vous avez déjà un CRM, des équipes smart autour de la table et des clients que vous pouvez appeler… alors pourquoi faire intervenir un tiers ?

Le problème, c’est que le Win-Loss a l’air simple sur le papier. En théorie, il s’agit “juste” de comprendre pourquoi vous gagnez ou perdez vos deals. En pratique, la façon dont vous collectez, interprétez et partagez ces feedbacks va déterminer si vous en faites un vrai avantage compétitif… ou un ensemble d’anecdotes sympa qui vous envoient dans la mauvaise direction.

Dans cet article, on va passer en revue 5 raisons de ne pas internaliser votre programme de Win-Loss Analysis, et comment impliquer vos équipes sans tout faire en interne.

Pourquoi internaliser le Win-Loss a l’air d’une bonne idée

Avant de parler des risques, reconnaissons pourquoi l’idée d’internaliser est séduisante :

  • Vous pensez économiser du budget (« Pourquoi payer un prestataire pour interviewer nos propres clients ? »).
  • Vous avez l’impression de bien connaître votre marché (« On parle à nos clients tous les jours »).
  • Vous avez déjà une mise en place de rituels internes : Post-Mortems, revues de pipeline etc.

L’intention est bonne. Mais c’est l’exécution qui pose problème.

Dans les faits, la plupart des initiatives d'analyses Win-Loss purement internes en B2B finissent par être :

  • One-shot (déclenchées après une grosse perte),
  • Guidées par l’opinion (Sales vs Product vs Marketing),
  • Peu structurées (peu de deals, pas de vraie méthodologie, pas de source de vérité).

Voyons pourquoi.

1. Un programme Win-Loss internalisé est biaisé par nature

Premier problème majeur : vous demandez aux joueurs d’arbitrer le match qu’ils viennent de jouer.

Les équipes internes ne peuvent pas être 100 % objectives

Quand le Win-Loss est géré en interne, l’analyse mise en place commence généralement à un de ces trois endroits :

  • Le champ “reason closed-lost” du CRM ;
  • Un Post-Mortem interne avec l'équipe commerciale, Marketing, Product, direction… ;
  • Un commercial qui demande au client : « Qu’est-ce qui a fait qu’on n’a pas été retenus ? ».

Les trois ont de la valeur, mais aucun n’est neutre.

  • Les commerciaux sont émotionnellement impliqués dans le deal. Ils racontent l’histoire avec leur angle, sous la pression du quota et du forecast.
  • Les Post-Mortems internes tournent vite au jeu des responsabilités : « C’est le pricing », « C’est le produit », « Les leads marketing ne sont pas assez qualifiés »…
  • Quand c’est vous qui demandez du feedback au client, il va naturellement adoucir son message : on évite le conflit, on ne veut pas froisser la relation, et surtout pas rouvrir la négociation.

Résultat :

  • Des explications très “polies” (« budget », « timing », « features », « produit »),
  • Des narratifs internes et CRM qui renforcent vos croyances existantes,
  • Très peu d’éléments sur les vrais drivers de décision en coulisses.

Les clients sont moins transparents quand c’est vous qui posez les questions

Votre buyer vous connaît. Il a passé plusieurs semaines ou mois dans un cycle de vente avec vos équipes. Quand vous arrivez avec : « On aimerait un retour transparent sur pourquoi on a perdu » :

  • Il va éviter les sujets sensibles (« on a davantage fait confiance à votre concurrent », « votre produit nous a paru immature », « le fit n’était pas là avec le commercial »).
  • Il va privilégier des réponses socialement acceptables : rapides, peu controversées, faciles à formuler.
  • Il peut tout simplement ne pas répondre, surtout si la demande vient du commercial directement.

À l’inverse, avec une tierce partie neutre, dont le seul rôle est d’écouter et de comprendre, les clients :

  • se livrent davantage,
  • vont plus dans le détail,
  • abordent des sujets qu’ils n’osent pas traiter directement avec vous.

Si votre programme Win-Loss est 100 % interne, vous partez avec une base déséquilibrée, échantillon biaisé et une collecte biaisée. C’est une base fragile pour faire des choix stratégiques.

2. Vous ne parlerez pas à assez de clients pour vraiment faire confiance aux résultats

Deuxième problème classique des programmes Win-Loss internes : manque de volume et de régularité.

Les analyses internes sont souvent déclenchées par des “événements”

Les revues internes démarrent généralement quand quelque chose fait mal :

  • Un gros logo churn.
  • Un deal stratégique perdu face à un concurrent clé.
  • Le board qui challenge le quarter.

Ces cas sont importants, mais ils ne sont pas représentatifs et continus. Vous manquez tous les “petits” deals gagnés ou perdus qui racontent pourtant une histoire : seuils de pricing, montée en puissance d’un concurrent, messages qui ne passent pas, gaps produit récurrents…

D’un point de vue data :

  • Vous travaillez sur trop peu de deals pour dégager des patterns fiables.
  • Une seule anecdote (« on a perdu ce big deal à cause de telle feature ») peut vous pousser vers un mauvais choix de roadmap ou une surréaction côté sales enablement.

Les initiatives one-shot donnent des conclusions trompeuses

Quand le Win-Loss est internalisé, il reste souvent au stade “projet” :

  • un sprint d’interviews et de surveys,
  • un deck pour le COMEX,
  • puis… plus rien pendant 6 à 12 mois.

Le marché, vos compétiteurs et votre propre produit évoluent beaucoup plus vite que ça. Ce qui est vrai au T1 peut être faux au T3.

Sans programme récurrent et continu, déclenché systématiquement à la fin de chaque deal pertinent, vous ne voyez jamais la courbe : uniquement des points ou snapshots. Et vous faites des choix long terme sur une vision très partielle.

3. Le Win-Loss demande une expertise que vos équipes n’ont pas forcément

Sur le papier, interviewer des clients semble simple. « On va juste leur poser quelques questions. »

En réalité, faire de vraies interviews Win-Loss est un métier.

Mener de bonnes interviews clients, ça ne s’improvise pas

Un·e Win-Loss Program Manager doit être capable de :

  • Construire un guide d’interview structuré, aligné sur vos enjeux (positioning, produit, pricing, process commercial, concurrence…).
  • Savoir quand laisser le silence faire le travail, quand creuser, quand challenger doucement la première réponse.
  • Explorer plusieurs sujets dans une seule interview, sans perdre le client ni le pousser dans une direction.
  • Capturer et synthétiser les drivers de décision, pas juste des verbatims.

Les interviewers expérimentés ont mené des centaines voire des milliers d’interviews. Ils sont formés à l’écoute active, aux techniques de questionnement et à la réduction des biais pour optimiser la collecte de feedbacks.

Quand vous internalisez :

  • Vous confiez cela à quelqu’un qui a déjà un full-time job (PMM, RevOps, Sales Ops, Produit…).
  • Les interviews se font “en plus”, avec peu de formation.
  • Les questions changent d’une opportunité à l’autre, ce qui rend la comparaison très difficile à la fin.
  • L’analyse devient subjective, et donc difficile à défendre en interne, faire passer un message clair devient compliqué.

Transformer des interviews en insights actionnables est encore un autre métier

Même avec de bonnes interviews, il faut derrière :

  • Comprendre et agréger les retours pour en faire des patterns clairs (par ex. les 5 principaux drivers sur les opportunités gagnées vs perdues).
  • Distinguer les causes des conséquences (“perdu face à X” n’est pas une raison, mais un résultat).
  • Traduire les insights en plans d’action concrets pour les équipes commerciales, Produit et Marketing.

C’est précisément là que beaucoup de programmes internes s’arrêtent : vous avez des notes, des enregistrements, quelques verbatims… mais pas de framework structuré pour mieux comprendre votre marché et passer à l’action.

4. La charge opérationnelle finit par tuer la dynamique

Le Win-Loss, ce n’est pas seulement poser des questions. C’est opérer un vrai programme.

Concrètement, si vous gérez tout en interne, cela implique de :

  1. Définir le scope : quelles opportunités, quels segments, quels concurrents, quels stages ?
  2. Mettre en place des triggers : qui est contacté quand une opportunité passe en closed-won ou closed-lost ?
  3. Faire l’outreach et les relances externes : emails, follow-ups, prise de rendez-vous, ou envoi de surveys.
  4. Conduire les interviews : préparation, interviews, prise de notes ou transcription.
  5. Analyser et taguer les feedbacks : coder les drivers de décision, quantifier les patterns.
  6. Construire et diffuser la restitution : reports, dashboards, synthèses pour chaque équipe.
  7. Recommencer chaque mois, sans diminuer la qualité.

Pris au sérieux, c’est du véritable program management, pas un side project.

Ce qu’on voit souvent dans les équipes B2B :

  • Mois 1–2 : grosse motivation, quelques interviews, un deck de synthèse.
  • Mois 3+ : les priorités changent, l’owner du sujet change de poste ou de scope, le volume d’interviews baisse.
  • Six mois plus tard : le Win-Loss devient quelque chose “qu’on a testé à un moment” et qui dort dans un dossier.

Pendant ce temps, vos concurrents qui ont externalisé une partie du sujet à un spécialiste construisent tranquillement un feedback loop continu, structuré et exploitable… et adaptent leur go-to-market en conséquence.

5. Les programmes internes peinent à créer une vraie “single source of truth”

Même quand il existe des données Win-Loss en interne, elles sont souvent éparpillées :

  • Le commercial a sa vision et ses manières (revues de pipeline, lost reasons CRM, notes issues de calls).
  • Product a la sienne (requests client, inputs roadmap).
  • Marketing mène et lance ses propres études et surveys sur le marché.
  • Customer Success collecte des retours externes sur la phase post-signature, renouvellements, churn…

En pratique, quand vous essayez de tout centraliser à la main, dans un deck, un spreadsheet, un Notion, il se passe plusieurs choses :

  • Les versions se multiplient : personne ne sait plus quel doc est à jour, chacun modifie à sa manière.
  • Les équipes ne sont pas alignées : Les équipes commerciales, Product et Marketing racontent des histoires différentes sur pourquoi vous gagnez ou perdez.
  • Au final, les décisions reviennent au gut feeling, parce que la donnée n’est pas perçue comme suffisamment fiable pour arbitrer.

Un partenaire externe spécialisé, avec une plateforme dédiée, peut :

  • Centraliser tous les feedbacks buyers (interviews, surveys, données CRM, conversations issues de la vente…).
  • Normaliser les drivers de décision et les scores, en se basant sur une référence.
  • Fournir un dashboard partagé pour les équipes Revenue, Produit et Marketing.
  • Mener à bien un programme avec une analyse non biaisée à la clé.

C’est comme ça que le Win-Loss devient une véritable source de vérité transverse, et pas un rapport de plus enfoui dans vos dossiers.

Faut-il pour autant tout externaliser ?

Pas forcément. Le travail interne reste clé, mais il ne doit pas être votre seul moteur.

Un modèle plus réaliste en pratique :

  • Utiliser des interviews externes et neutres, ainsi que des surveys structurées, pour collecter des feedbacks robustes et non biaisés à grande échelle.
  • Croiser ces données avec votre vision interne de référence (feedback des commerciaux au cours de la vente, données CRM, enregistrements de calls, inputs produit).
  • S’appuyer sur un partenaire spécialisé pour designer et lancer le programme, structurer la donnée et faire émerger les patterns, pendant que vos équipes se concentrent sur ce qui a le plus de valeur : passer à l’action.

Vous gardez la propriété des décisions et de la stratégie. Vous n’ajoutez pas à vos équipes le rôle de chercheur, interviewer, analyste et chef de projet… en plus de leur job actuel.

Conclusion

Internaliser un programme de Win-Loss Analysis semble intuitif. Mais pour la plupart des entreprises B2B, cela conduit à :

  1. Des feedbacks biaisés (des narratifs internes côté Sales et CRM plutôt que la réalité côté buyer),
  2. Trop peu de data pour prendre des décisions sereines,
  3. Un manque d’expertise sur l’interview et l’analyse,
  4. Une charge opérationnelle qui épuise les équipes,
  5. Des insights fragmentés, sans véritable source de vérité partagée, qui ne permettent pas de comprendre les raisons.

Le Win-Loss révèle tout son ROI quand il est :

  • Neutre et crédible pour vos clients,
  • Continu, pas ponctuel,
  • Méthodique, pas improvisé,
  • Structuré pour aligner la direction de la roadmap et les équipes Revenue, Produit et Marketing.

C’est là qu’un partenaire tiers spécialisé comme Diffly tout en gardant vos collaborateurs au cœur de l’exécution, passe du statut de “nice-to-have” à celui de véritable avantage stratégique dans la vente B2B.

Julien Cohen-Roussey
Co-founder & CEO of Diffly