Dans un environnement B2B en pleine évolution, les entreprises doivent composer avec des cycles d’achat plus complexes, des interlocuteurs multiples, des attentes élevées… et une concurrence féroce. Pourtant, la majorité pilotent encore leur stratégie go-to-market à partir d’informations parcellaires ou erronées.
Quelques chiffres parlent d’eux-mêmes :
- 90 % des raisons de pertes renseignées dans les CRM sont fausses ou incomplètes ;
- 41 % n’expliquent même pas pourquoi le deal a été perdu ;
- un acheteur B2B n’interagit que 17 % de son temps avec vos équipes commerciales ;
- la vente B2B repose en moyenne sur 4 à 5 critères de décision réels, rarement documentés.
Résultat ? Les choix stratégiques reposent trop souvent sur des suppositions plutôt que sur la voix de l’acheteur.
Le win-loss analysis, lorsqu’il est bien conçu, permet de remettre la vérité au centre du pilotage. Voici comment déployer un programme solide, durable et efficace.
Étape 1 : Clarifier l’ambition du programme
Avant de plonger dans les interviews et les analyses, il est essentiel de répondre à une question simple :
À quel niveau d’ambition souhaitez-vous opérer ?
Car lancer un programme de win-loss analysis peut se faire sous plusieurs formes :
- une démarche ponctuelle basée sur quelques interviews manuelles,
- un programme continu sur un périmètre limité,
- une analyse systématique de tout le pipeline,
- ou encore une démarche pilotée par un tiers neutre avec un haut niveau d’exigence méthodologique.
Plus l’investissement est élevé, plus le ROI l’est également : Gartner souligne qu’un programme rigoureux peut améliorer les taux de conversion jusqu’à 50 %, et 78 % des entreprises interrogées observent une hausse moyenne de +32,5 % de leur taux de conversion après la mise en place d’un programme structuré.
Astuce Diffly : validez collectivement votre niveau d’ambition pour éviter les malentendus internes et aligner les attentes et process.

Étape 2 : Identifier vos parties prenantes
Un programme win-loss performant est transversal. Il touche l’ensemble des équipes impliquées dans la croissance.
Voici les principales parties prenantes à mobiliser :
- C-level / Direction générale – pour obtenir une vision objective et orienter les investissements.
- Sales & Revenue Operations – pour améliorer les taux de conversion, outiller les commerciaux et affiner les processus.
- Sales Leadership – pour comprendre les leviers gagnants et accompagner la montée en compétence des équipes.
- Product Marketing – pour affiner le positionnement, le messaging et la stratégie go-to-market.
- Marketing – pour comprendre la perception du marché et enrichir les assets.
- Produit / Services – pour prioriser la roadmap sur la base de retours réels d’acheteurs.
- Customer Success – pour tirer des informations des signaux faibles, réduire le churn et améliorer la rétention et la satisfaction client.
- Intelligence concurrentielle – pour garder une longueur d’avance et ne pas perdre cette avance sur les mouvements du marché.
Chaque équipe apporte sa vision… mais surtout, attend des enseignements différents.
C’est pourquoi cette étape vise à clarifier leurs besoins et à s’assurer de leur adhésion dès le départ.
Étape 3 : Définir les objectifs d’apprentissage
Les objectifs d’apprentissage sont le cœur du programme. Sans eux, le win-loss risque de devenir un exercice anecdotique.
Vous pouvez par exemple chercher à :
- améliorer votre efficacité commerciale ;
- comprendre les priorités réelles de vos acheteurs ;
- identifier les critères de sélection essentiels ;
- renforcer votre proposition de valeur ;
- ajuster votre pricing ou votre modèle économique ;
- optimiser votre parcours de vente ;
- prioriser votre roadmap produit ;
- comprendre pourquoi votre taux de conversion baisse face à un concurrent précis ;
- réduire le churn ou améliorer la satisfaction client ;
- analyser un marché avant un lancement.
Ces objectifs influencent directement :
→ vos scopes,
→ vos guides d'interview,
→ vos analyses,
→ vos livrables.
Conseil Diffly : réinterroger vos parties prenantes tous les 3–6 mois. Le marché évolue, vos objectifs aussi.
Étape 4 : Sélectionner les bons segments & identifier vos IIC
Votre CRM contient déjà les bases d'informations nécessaires pour structurer votre programme — encore faut-il savoir les exploiter.
Exemples de segments pertinents :
- taille d’opportunité ;
- durée du cycle (< 90 jours…) ;
- concurrent rencontré ;
- issue (win / lost / no choice) ;
- zone géographique ;
- persona acheteur ;
- ligne de produit ;
- type d’entreprise ;
- renew dans moins de 3 mois ;
- ICP ;
- deals stratégiques pour le comité de direction.
Pour chaque segmententation, il faut ensuite définir la méthode de collecte :
- Quantitative (survey) si le volume est important,
- Qualitative (interview) si vous cherchez à comprendre en profondeur.

Bonnes pratiques :
- privilégier les deals les plus avancés (insights plus riches),
- viser 10 interviews minimum par segmentation,
- disposer d’un volume 3 à 5 fois supérieur d’opportunités pour garantir la représentativité,
- équilibrer wins/losses pour éviter les biais,
- éviter les filtres trop nombreux qui diminuent artificiellement le volume.
Enfin, identifiez vos IIC – Ideal Interview Candidates : les personnes capables d’expliquer un choix final. Ce ne sont pas toujours vos interlocuteurs commerciaux.
Une fois vos segments identifiés, il est essentiel de définir votre référentiel de critère de décision. Tout acheteur qui envisage d’acquérir votre solution va utiliser un ensemble de critères pour évaluer votre offre. C’est ce que nous appelons les “critères de décision” :
- Un critère de décision est un critère qui influence — positivement ou négativement — l’issue d’un deal. Ces critères peuvent également servir à comparer votre offre à d’autres alternatives ou concurrents.
- Ils peuvent être explicitement exprimés par l’acheteur ou inconscients. Ils évoluent également au fur et à mesure que le processus de vente progresse.
- Lorsque l’on analyse ce qu’il s’est passé sur un deal, on ne gagne ou ne perd jamais à cause d’un seul critère. Le résultat dépend toujours de plusieurs drivers. C’est multi factoriel.
- La simplicité est essentielle. Gardez votre liste aussi courte que possible, idéalement entre 15 et 25 drivers.
En général, on distingue plusieurs grandes familles de critères, par exemple :
- Produit / Service
- Expérience commerciale
- Prix & packaging
- Entreprise
- Accompagnement client
Chaque famille contient en moyenne de 4 à 10 drivers.
La définition de votre propre liste de critères de décision peut évoluer dans le temps, il est important de la structurer en continu.
Étape 5 : Créer votre guide d’interview (et s’y préparer)
Un guide d’interview efficace suit toute la chronologie de l’achat, pour obtenir un panorama complet de ce qui s’est réellement passé.
Les grandes étapes du guide win-loss :
- Qui est l’acheteur ?
- briser la glace, comprendre son rôle, son expérience.
- Origine du deal & perceptions initiales
- comment ils ont entendu parler de vous, ce qui a déclenché l’évaluation.
- Critères de sélection & attentes
- les critères rationnels… et les critères émotionnels.
- Évaluation du produit / service
- démo, fonctionnalités, différences perçues avec la concurrence.
- Tarification & modèle économique
- rapport valeur/prix, perception du ROI, comparaison concurrentielle.
- Expérience de vente
- qualité de la relation commerciale, compréhension des besoins, transparence.
- Concurrence
- forces/faiblesses perçues de chaque alternative concurrente.
- Phase de négociation
- processus décisionnel, acteurs impliqués, points de friction.
- Conclusion
- NPS, win-back, advocacy, questions non posées, satisfaction client.
Se préparer à l’interview :
- créer du lien, rassurer, exprimer de la gratitude ;
- maîtriser le contexte du deal ;
- suivre strictement le parcours d’achat ;
- utiliser les “5 pourquoi” pour remonter à la cause racine.
Une bonne interview win-loss ne dure que 30 à 45 minutes… mais peut transformer votre stratégie pour des mois.
Étape 6 : Déterminer votre stratégie de recrutement
C’est souvent l’étape la plus sous-estimée. Pourtant, sans participants, pas de programme.
Stratégie gagnante :
- Demander le feedback immédiatement après le go/no go.
- S’appuyer sur les commerciaux, AM et CSM pour personnaliser l’approche.
- Proposer un script simple et transparent :
- “Nous prenons vos retours très au sérieux. Seriez-vous ouvert à partager votre expérience, que nous travaillions ensemble ou non ?”
- Envisager un quid pro quo lorsque c’est approprié.
- Utiliser des incentives adaptés :
- monétaires (25–100 €),
- non monétaires (crédits, modules, accès anticipé…).
Diffly atteint en moyenne 41 % de participation aux interviews — un taux exceptionnel dans le B2B — grâce à une méthodologie structurée et neutre.

Étape 7 : Analyser et partager vos enseignements
C’est ici que la valeur se crée réellement. Un programme win-loss ne sert à rien si les insights restent dans un fichier oublié. Il faut les activer.
Pour chaque interview :
- Nettoyer le transcript.
- Identifier les critères de décision activés.
- Leur associer un niveau d’influence (très positif → très négatif).
- Ajouter les verbatims exacts qui expliquent l’impact.
- Faire émerger les points clés, éléments concurrentiels et recommandations actionnables.
- Communiquer aux bonnes personnes, idéalement en temps réel.
- Tagger chaque insight (produit, pricing, sales, compétition…) pour prévoir des tendances sur le trimestre.
Partager les enseignements dans les bons formats :
- Slack / Teams : célébrer les succès, diffuser les insights chauds.
- WhatsApp digest : parfait pour les dirigeants pressés.
- Monthly digest : insights personnalisés par département.
- Rapport d’analyse macro (trimestriel / semestriel) :
- pourquoi vous gagnez,
- pourquoi vous perdez,
- perception du marché,
- comparaison concurrentielle,
- tendances par secteur,
- recommandations stratégiques,
- points d'attention.
Activer les enseignements dans l’organisation :
- battlecards,
- contenus sales enablement,
- orientation de la roadmap produit,
- argumentaires,
- pricing,
- customer success playbooks,
- testimonials & pages clients.
C’est cette activation qui transforme un programme win-loss en accélérateur principal de croissance.
Conclusion : Lancer son programme… même modeste
Vous n’avez pas besoin d’un programme parfait pour commencer.
Vous avez besoin d’un programme continu, cohérent et actionnable.
Chaque interview client ou prospect est une opportunité :
- d’améliorer votre proposition de valeur,
- de comprendre comment vous êtes perçus,
- d’ajuster vos processus et votre stratégie commerciale,
- de réduire les pertes évitables,
- d’augmenter votre compétitivité,
- et de renforcer l’alignement interne.
Les entreprises qui progressent le plus vite sont celles qui apprennent le plus vite.
Et celles qui apprennent le plus vite sont celles qui écoutent leurs acheteurs.

